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Jumat, 07 Februari 2020

Les Limites de l'Empire : Les stratégies de l'impérialisme romain dans l'oeuvre de Tacite

Category: Livres,Romans et littérature,Livres de référence

Les Limites de l'Empire : Les stratégies de l'impérialisme romain dans l'oeuvre de Tacite Details

Les questions militaires occupent une place essentielle dans l??uvre de Tacite. Quelques figures parmi les plus prestigieuses de l'histoire romaine sont issues de son récit, comme les exploits de Germanicus sur le Rhin, de Corbulon sur l'Euphrate et d?Agricola en Grande-Bretagne, et la résistance à l'Empire des rebelles Arminius, Tacfarinas, Boudicca et Calgacus. De la Vie d'Agricola aux Annales, la narration tacitéenne révèle une réflexion approfondie sur la sécurité des frontières et une conscience intime des enjeux des stratégies impériales : comment allouer au mieux des ressources militaires limitées sur un périmètre immense, trouver l'équilibre entre la progression territoriale que la sécurité paraît exiger sur certaines frontières et la stabilisation des conquêtes sans laquelle la fragile construction impériale peut s'effondrer, entre le temps court des opérations et le temps long de l'intégration. Tacite porte un regard sans concessions sur les questions stratégiques du premier siècle, une période charnière dans l'histoire de l'impérialisme romain : la transition difficile, traversée de contradictions, vers un Empire aux frontières mieux définies, mieux bornées. Bien que cette période soit encore proche de lui, il est pleinement conscient de son importance historique. Il écrit à une période elle-même fertile en contradictions : l'« âge d'or » du règne de Trajan, après bien des désillusions, s'achève dans un désastre militaire en Orient, Hadrien s'installe dans le sang. Autant de tensions qui marquent sa conscience d'historien et hantent sa narration.

Reviews

« Les limites de l??empire » de Pierre Laederich est un travail monumental issu d??une thèse de doctorat sur l??analyse des informations militaires contenues dans l???uvre de Tacite (Annales, les histoires, Vie d??Agricola et La Germanie) pour tenter d??y puiser une explication des stratégies déployées par l??Empire pour consolider et stabiliser les frontières de l??Empire. Ce travail est absolument remarquable, et le fait que je sois le premier à mettre en ligne un commentaire en juin 2016, montre à quel point notre pays connaît sur le plan universitaire et intellectuel une période de décadence sous l??emprise de marxistes odieux et de bobos dégénérés qui ont décidé une fois pour toute un nivellement par le bas, en direction de la débilité absolue qui est leur pain quotidien. L???uvre de Tacite comprend l??étude des politiques militaires des empereurs Julio-claudiens et flaviens, c??est-à-dire le premier siècle de notre ère qui selon l??auteur est une période charnière dans l??histoire de l??impérialisme romain avec une difficile transition vers un Empire plus stabilisé, aux frontières mieux définies c??est-à-dire mieux délimitées. Tacite est né vers 55 de notre ère, après la fin tragique (et grotesque) du règne de Néron qui inaugura pour Rome une nouvelle période de guerre civile à laquelle mis fin le retour de la paix sous Vespasien. Après la tyrannie de Domitien, il connut la phase d??expansion de Trajan, l??optimus princeps avec le renouveau de l??Empire et des conquêtes, période en réalité en trompe l???il qui se termina par un désastre en Orient et l??avènement d??Hadrien qui sera obligé d??abandonner une partie des conquêtes de Trajan pour disposer de frontières plus stables et surtout mieux défendues avec l??apparition du Limes.On observe aussi que si l??Empire marquait l??apogée de la puissance militaire de Rome, il était beaucoup plus fragile que l??on veut bien le croire, sous Auguste, la politique d??expansion impériale se trouve mise en échec par le massacre du Teutoburg ou un proconsul, Varus trouve la mort et trois légions sont détruites suite à la trahison d??Arminius.?Ce qui pousse Tibère à se réfugier derrière l??axiome de modération prôné par Auguste au soir de sa vie et dans son présumé « testament » : après avoir laissé Germanicus lancer plusieurs campagnes de dévastation dépourvue de conquête territoriale, l??Empereur décide de le rappeler sous couvert du Triomphe et selon les interprétations de l??auteur (car il s??agit bien d??une exégèse de l???uvre de Tacite), Tacite est intimement persuadé du caractère néfaste de l??arrêt des opérations militaires, au moins en ce qui concerne la Germanie selon ma lecture de l??ouvrage de Laederich ; pour le reste à savoir la Bretagne et le Danube je dirais que Tacite est beaucoup plus indulgent, notamment avec les opérations conduites par son beau-père Agricola en Bretagne (sans que les gains économiques ou stratégiques paraissent d??une importance majeure pour Rome qui doit supporter un fardeau toujours plus lourd?). Sur le plan de la lecture des opérations militaires conduites sur les différentes frontières de l??Empire Pierre Laederich utilise la taxinomie issue de l???uvre du général André Beaufre : je ne doute pas que certains puristes crieront à l??ignominie d??un tel anachronisme, mais sur le plan de la méthodologie cela possède indubitablement l??intérêt d??être clair et précis. L??auteur raisonne en matière de stratégie générale et de stratégie opérationnelle ce qui apporte une grande clarté à une narration par ailleurs très savante (on discerne facilement que l??ouvrage est issu d??une thèse : mais cette utilisation est excellent pour un lecteur cultivé, féru d??histoire romaine et d??histoire militaire en générale). Sur cette question fondamentale de la stratégie sous l??Empire romain, l??auteur estime que les développements d??Edward Luttwak sont intéressants mais peut être trop sophistiqués, il indique en revanche que la Grande stratégie de l??Empire Romain est un ouvrage qui mérite vraiment la plus grande attention : nous sommes bien d??accord avec lui. L??analyse de Tacite montre selon l??auteur que le développement des stratégies militaires relevait bien d??une réflexion approfondie sur les moyens militaires dont disposait l??Empire et sur la meilleure façon de les utiliser en fonction des urgences. Une des problématiques majeures de l??Empire fut d??ailleurs d??administrer un territoire gigantesque sans forcément disposer des réserves militaires adéquates : depuis la fin du règne d??Auguste les troupes permanentes se limitaient à 25 légions soit approximativement 125.000 à 150.000 légionnaires pour un total de 250.000 à 300.000 hommes avec les auxiliaires : les troupes étaient difficiles à remplacer, les légionnaires coûtaient chers et la conscription était (déjà) impopulaire. Les Empereurs devaient aussi redouter les généraux trop valeureux qui pouvaient être tentés par la pourpre puissamment appuyés par leurs armées, ainsi comme Laederich l??explique le pouvoir central pouvait vaciller depuis les frontières : ce qui conduisit le pouvoir impérial à reconcentrer le pouvoir de décision stratégique, c??est une tendance que l??on constate dès le second siècle et qui correspond à une montée en puissance de la dimension monarchique du principat.L??ouvrage de Laederich consiste en une exégèse de l???uvre de Tacite, dans sa dimension militaire, au travers de la narration des campagnes depuis le début du règne de Tibère avec bien sûr les campagnes de Germanicus et celles de Corbulon. Tacite écrivait à une époque complexe, sous le règne de l??Empereur soldat Trajan qui n??incitait guère à la bienveillance à l??égard des empereurs Julio-claudiens et flaviens, en politique extérieure, même si les réalisations de l??optimus princeps n??étaient pas inaccessibles à la critique, Tacite a connu les débuts du règne d??Hadrien dont les inflexions en matière militaire et de politique étrangères marquent déjà un reflux par rapport à la période d??expansion de l??Empire romain.L??analyse des campagnes militaires en Germanie montre l??échec sous Auguste de la capacité de Rome à créer des provinces sous contrôle romain direct ou indirecte, et tend à montrer que le problème de la stabilisation de la frontière Nord du côté germain reste un travail qui sera inachevé, puisque ultérieurement Marc-Aurèle l??Empereur philosophe stoïcien sera contraint d??y intervenir en personne, brillamment au demeurant.La conquête de la Bretagne est brillamment étudiée au moyen des campagnes militaires d??Agricola, mais là aussi demeure un sentiment d??inachèvement et une incertitude sur les gains réels pour Rome dans un conflit ou les légions romaines vont parfois être anéantie comme la fameuse neuvième légion Hispania, avec toute la difficulté de créer des royaumes client de Rome, notamment avec la problématique de la confédération Brigante et de sa révolte contre Rome, mais aussi et surtout de l??incapacité manifeste à vaincre en Ecosse de manière durable?Ce qui conduira au fameux mur d??Hadrien.Les combats conduits à l??Est pour stabiliser les frontières romaines contre l??empire Parthe au moyen d??une prise de contrôle directe ou indirecte de l??Arménie montre des modalités d??actions plus brillantes de la part de Rome avec notamment les campagnes de Corbulon. L??analyse de Laederich démontre une supériorité dans la manière dont fut gérée la sécurité de l??empire Romain à l??est avec un réseau d??Etats clients de Rome, a contrario de l??échec de cette stratégie sur la frontière nord en Germanie.L??ouvrage contient également une très intéressante analyse des méthodes utilisées par l??Empire Romain pour consolider sa frontière Sud en Afrique avec le récit détaillé et remarquable des campagnes conduites contre Tacfarinas avec des modalités de combat contre les rebelles qui ne sont pas très éloignées des méthodes qui furent employées pour la conquête de l??Algérie par Bugeaud au 19ème siècle, avec la nécessité de colonnes mobiles allégées?Dans la mesure du possible l??auteur à systématiquement reporté les indications tacitéennes sur les campagnes militaires au moyen de petites cartes, ce qui est déjà un élément majeurs de compréhension de ces campagnes : le seul reproche à faire contre cette analyse est un reproche concernant la trop faible dimension des cartes, qui auraient dû utiliser le format d??une page complète pour permettre une meilleure lisibilité des actions par le lecteur, mais il s??agit là à mon sens d??une problème éditorial attribuable aux éditions Economica qui ont voulu réaliser des économies de bout de chandelles au détriment d??une illustration de qualité, alors que la narration de Laederich était réellement novatrice.Les analyses de Laederich contiennent beaucoup de critiques incisives à l??encontre de l??idéologie des fleuves frontières comme le Rhin et le Danube dans la pensée stratégique Romaine.Une dimension plus contestable de l??analyse de l??auteur est de vouloir à tout prix rechercher une critique des campagnes de l??Empereur Trajan dans la narration de Tacite des campagnes de Corbulon à l??Est, mais c??est là un détail qui n??entache nullement l??intérêt considérable et novateur de l??ouvrage de Pierre Laederich, qui mérite amplement d??être acheté et lu par des lecteurs intéressés par l??histoire militaire romaine et qui verront dans les difficultés de stabilisation des frontières nordiques de l??Empire beaucoup de signes annonciateurs des causes de la crise militaire romaine du troisième millénaire.En bref un travail très savant et très brillant.

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